Le salariat déguisé est une pratique illégale consistant à faire passer un salarié pour un travailleur indépendant afin d’éviter les obligations liées au contrat de travail. Cette situation se manifeste notamment par l’intégration de travailleurs indépendants dans les structures d’entreprises, avec des contraintes similaires à celles imposées aux salariés, sans leur accorder les protections sociales correspondantes.
La lutte contre le salariat déguisé est essentielle pour garantir les droits des travailleurs, préserver les finances publiques et éviter la concurrence déloyale entre entreprises.
Récemment, des initiatives législatives ont été entreprises pour lutter contre cette pratique, en particulier dans le contexte des plateformes numériques. La directive européenne sur le travail des plateformes vise à établir une présomption de salariat pour les travailleurs de ces plateformes, sauf preuve du contraire. En France, cette directive est en cours de transposition, avec pour objectif de renforcer les droits des travailleurs concernés.
Par ailleurs, la jurisprudence continue d’évoluer pour mieux définir les critères du salariat déguisé. Les tribunaux examinent de près les relations entre les travailleurs indépendants et les entreprises, en se basant sur des éléments tels que le lien de subordination, l’autonomie dans l’organisation du travail, et la dépendance économique. Cette vigilance accrue vise à protéger les droits des travailleurs et à sanctionner les abus.
Il est essentiel pour les travailleurs indépendants de rester vigilants et de s’assurer que leur relation avec leurs clients respecte les critères de l’indépendance. En cas de doute, il est recommandé de consulter un professionnel du droit pour évaluer la situation et envisager les actions appropriées.
Les juges disposent d’un pouvoir de requalification des relations contractuelles en contrat de travail, indépendamment de la dénomination donnée par les parties. Cette requalification repose sur une analyse des conditions de fait dans lesquelles l’activité est exercée.
Pour identifier un contrat de travail, trois critères cumulatifs sont généralement retenus par la jurisprudence :
- L’exécution d’une prestation de travail : Le travailleur fournit une activité pour le compte d’un employeur.
- La rémunération : Une contrepartie financière est versée pour cette prestation. Un véritable indépendant doit avoir le choix de sa rémunération.
- Le lien de subordination juridique : Le travailleur est placé sous l’autorité de l’employeur, qui peut donner des ordres, contrôler leur exécution et sanctionner les manquements
La Cour de cassation a confirmé à plusieurs reprises que des auto-entrepreneurs peuvent être requalifiés en salariés si un lien de subordination est établi. Par exemple, dans un arrêt du 6 mai 2015, la Cour a relevé des indices tels que le respect d’un planning imposé, des objectifs de chiffre d’affaires et des directives strictes.
La jurisprudence (Cass. soc. 28 nov. 2018, n° 17-20.079) considère qu’un travailleur indépendant peut être requalifié en salarié si un lien de subordination est établi. Les indices incluent l’absence d’autonomie, l’intégration dans l’organisation de l’entreprise et la dépendance économique. Une telle requalification entraîne l’application des règles du droit du travail et des sanctions pour l’employeur en cas de dissimulation
En 2020, la Cour de cassation a également requalifié la relation entre un chauffeur Uber et la plateforme en contrat de travail, en se basant sur un faisceau d’indices démontrant un lien de subordination. Ce lien était caractérisé par le contrôle exercé par la plateforme sur les conditions d’exécution du travail, notamment via des directives et des sanctions (Cass. soc., 4 mars 2020, Uber, n° 19-13.316)
Plusieurs autres décisions de reconnaissance de salariat déguisé ont été obtenues par le cabinet de Me Flora LABROUSSE.
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