La faute inexcusable de l’employeur est une notion centrale en droit du travail, particulièrement en matière de prévention des risques professionnels et de responsabilité en cas d’accident ou de maladie professionnelle.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers ce dernier d’une obligation de sécurité, notamment en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Il a, en particulier, l’obligation de veiller à l’adaptation des mesures de sécurité pour tenir compte des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. Il doit éviter les risques et évaluer ceux qui ne peuvent pas l’être, combattre les risques à la source, adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants. Les articles R.4121-1 et R.4121-2 du code du travail lui font obligation de transcrire et de mettre à jour au moins chaque année, dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Le manquement à cette obligation de sécurité a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été l’origine déterminante de la maladie contractée par le salarié, mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes y compris la faute d’imprudence de la victime, auraient concouru au dommage.
Il incombe au salarié de prouver que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Étant rappelé́ que la simple exposition au risque ne suffit pas à caractériser la faute inexcusable de l’employeur ; aucune faute ne peut être établie lorsque l’employeur a pris toutes les mesures en son pouvoir pour éviter l’apparition de la lésion compte tenu de la conscience du danger qu’il pouvait avoir.
Pour que la faute inexcusable soit caractérisée, il convient donc de :
– rapporter la preuve d’une connaissance par l’employeur du danger,
– démontrer l’absence de mesures prises par l’employeur
Dans un arrêt du 22 mars 2024, la cour d’appel de PARIS a confirmé l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur, concernant la situation d’un salarié qui avait tenté de mettre fin à ses jours sur son lieu de travail en sautant par la fenêtre.
– Sur la connaissance du danger par l’employeur : L’employeur avait été alerté des difficultés du salarié et de sa situation de mal-être qui avait mis en jeu sa sécurité physique. Il a notamment pu être relevé que : « Il convient toutefois de relever qu’il consigne des faits antérieurs à l’accident, relatés par plusieurs salariés de l’entreprise, qui confirment que l’employeur était nécessairement au courant de la situation difficile du salarié et des réactions inquiétantes qu’il pouvait avoir lorsqu’il était en difficulté, notamment face au chef cuisinier et confronté à ses collègues »
– Sur l’absence de mesures prises par l’employeur : le fait que la mauvaise ambiance de travail soit connue de l’employeur depuis plusieurs années sans qu’aucune mesure ne soit prise permet de caractériser la faute inexcusable de l’employeur concernant le salarié qui a tenté de se suicider à la suite d’une altercation sur son lieu de travail. Même si l’employeur tente d’agir, il faut que les mesures prises soient efficientes.
Concernant l’indemnisation de la victime, en application de l’article L. 452-3 code de la sécurité sociale tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel (décision du 18 juin 2010 n° QPC 2010-8), peuvent également être indemnisés les postes de préjudice non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. La rente versée au titre de l’IPP fixée dans le cadre d’un accident du travail n’indemnise pas le déficit fonctionnel permanent qui doit donc faire l’objet d’une indemnisation spécifique.
Le déficit fonctionnel permanent n’est pas assimilable aux seules souffrances physiques et morales subies après la consolidation de l’état de santé de la victime.
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